Nos rues, cours et places
Dans toute commune, que ce soit une grande métropole, une petite ville ou une bourgade, un certain nombre d’éléments sont les témoins de la vie et de l’histoire des lieux. Les rues, cours et places en font partie non seulement par leurs structures mais aussi par leur dénomination.
C’est ainsi qu’à Beaumont, ancienne ville fortifiée ayant peu à peu fait éclater l’enceinte qui l’enfermait pour s’étendre dans la proche campagne, il est intéressant de suivre l’évolution des voies de circulation et de pénétration au cours des grandes périodes de notre histoire, comme celle des noms les désignant.
Lorsque les hommes se groupèrent derrière les murailles, sous la protection du Château Fort pour mieux se défendre contre les brigands ou les envahisseurs étrangers, l’espace restreint, était utilisé au mieux pour le logement des gens et de quelques animaux. Les maisons étaient étroites sur plusieurs niveaux généralement, le plus souvent enchevêtrées les unes dans les autres. Il restait peu de surface à consacrer aux rues et places et seules les voies accédant aux Portes, pour l’approvisionnement, pouvaient livrer passage aux charrettes à cheval. Les autres étaient encore plus étroites et toutes étaient en pente, car on avait préservé l’aspect accidenté du terrain, plus favorable à une bonne défense.
Les cours permettaient aussi de desservir de nombreux logements sans perdre trop de place pour leur accès.
L’événement important qui provoqua la transformation de notre voierie fut la création, en mai 1776, de la route Le Mans – Alençon, dénommée Route Royale de Bordeaux à Caen, traversant la place d’Armes sur l’emplacement du Couvent des Clarisses, pour descendre vers la Sarthe et emprunter provisoirement la rue du Moulin afin de rejoindre le Pont Roman, en attendant la construction du Pont suspendu en 1846. Dès 1791, les habitants demandèrent et obtinrent que la rue desservant le château fut prolongée jusqu’à cette grande route. Mais, ce n’est qu’au XIX ème siècle, de 1841 à 1863, que furent élargies les rues que nous connaissons sous le nom de rue LOUATRON, Rue de la Gare, Rue Albert Maignan, Rue Maximilien GAISNEAU, Rue du Docteur Jean MADELAINE, par démolitions de maisons et de la Porte Saint-André en 1841, élargissement nécessité par le développement des moyens de transport et des besoins en approvisionnement.
Au Moyen-Age, toutes ces rues n’avaient pas de nom officiel. On les appelait, dans les actes, par leur destination. Par exemple « la Rue tendant de la Porte de Vivoin à aller au Château ». Ce n’est qu’à l’approche du XVIIème siècle que l’habitude se prend de les désigner toujours sous la même dénomination donnée, le plus souvent, par les habitants, eux – mêmes, en rapport avec les lieux, leurs caractéristiques, une renommée, ou l’humour populaire. Un grand nombre de ces noms se sont conservés jusqu’à nos jours. Ainsi :
La rue du Bercail où l’on trouvait plusieurs étables et bergeries où l’on rentrait vaches ou moutons le soir, la rue du Sentier Fleuri, la rue de l’Andouille, la rue du Soleil où il ne pénètre pas beaucoup, la Rue du Moulin, la rue de la Tannerie, car Beaumont était une ville de tanneurs avec un moulin à Tan sur le barrage et des séchoirs à peaux que j’ai connus dans cette rue, le Cul de Sac des Vertus, la Rue de la Montagne, bien dénommée à cause de sa pente très abrupte, la Rue du Pin que nous retrouvons aussi rue du Four à Pain et Rue du Four du Pin, Rue St – Honoré, Rue des Bons Enfants, Rue St Joseph qui a conservé son nom durant la période révolutionnaire, Rue du Temple, n’ayant pu déterminer, jusqu’à ce jour, si c’est par référence au Temple décadaire ou plus probablement à une propriété appartenant aux Templiers, la Rue de la Motte, qui contourne notre Motte, la Rue de la Paix si étroite qu’il faut bien s’entendre pour s’y croiser, la Rue de Bellevue qui a toutefois porté le nom de Chemin du Donjon dans sa partie Sud, la Rue de St Pierre menant au manoir élevé sur l’emplacement de l’ancien Prieuré de St Pierre du Pont Neuf et enfin la rue des Voves qui a absorbé l’ancien chemin aux veaux.
Une de ces anciennes rues a disparu : La Rue de l’Horloge, dont se souviennent les Vieux Belmontais, absorbée par la Place du Docteur DROUIN.
Les cours sont encore au nombre de six et ont conservé leur appellation : Cour de la Grange, Cour des Rosiers, Cour Hervé, Cour de la Têterie, Cour de Bellevue et Cour Ravaré. Mais la Cour du Croissant n’est plus qu’un passage étroit entre la Rue G. Rouault et la Rue du Bercail, la Cour de l’Aigle, sur la Rue du Bercail, et la Cour de la Boule, sur la Rue Albert Maignan avant la rue du Moulin, ne sont plus répertoriées et enfin la Cour de la Cochetterie, au début de l’avenue Leclerc, a été supprimée en 1841 lorsque cette partie d’avenue a été élargie par la démolition de maisons occupant presque la moitié de cette voie à peu près au niveau de l’actuelle Trésorerie.
Quant aux Places, peu nombreuses, seule la Place des Halles, et uniquement dans sa partie ouest, a toujours gardé son nom. Il est vrai que des Halles existent, en cet endroit, sans interruption, depuis 1394, la Place et les rues adjacentes ayant de plus, depuis très longtemps, accueilli le marché.
Pendant la Révolution, certaines artères furent débaptisées pour reprendre ensuite leur nom d’origine dès l’avénement de la Restauration. Ainsi la Rue St Jacques s’appela Rue de la Liberté, la Rue bourgeoise devint provisoirement rue Citoyenne, la Rue du Désir sera souvent désignée comme rue de l’Eglise alors que la Place de l’Egalité était peut-être une partie de la Place des Halles, hypothèse à vérifier.
Au XIXème et XXème siècle, les autres rues changèrent de nom.
Ainsi, la rue traversant la vieille ville du Nord au Sud, de la porte St André à la Sarthe, a tout d’abord pris le nom de la paroisse St André qu’elle desservait, paroisse abolie en 1260. Elle s’appela ensuite Grande Rue, puis Rue de Sarthe lors de la Révolution, pour rappeler enfin, à partir du 2 juin 1898 le souvenir du grand peintre, Albert Maignan, né à Beaumont. Elle était alors plus courte puisque ne commençant qu’au carrefour de la rue du Bercail depuis 1841.
Au dessus, depuis ce carrefour jusqu’à la Place, la Rue de l’Orne prit le 9 juillet 1919, le nom de Maximilien Gaisneau, Maire de Beaumont pendant 9 années, entre 1894 et 1912, et bienfaiteur de la ville.
La rue reliant ce même carrefour à la Route Nationale, dénommée très longtemps Rue du Château, évoqua, à partir du 27 février 1931 la mémoire d’un enfant du pays, le Docteur Jean MADELAINE, médecin militaire, ayant rendu d’éminents services à la France tant pendant la guerre de 1914-1918 qu’ensuite, notamment au Maroc, où il remplit d’efficaces missions comme envoyé du Maréchal Lyautey.
Et, à partir de 1934, l’impasse donnant accès au Château et dénommée depuis 1883, Ruelle de la prison, récupéra l’appellation de la Rue du Château.
Alors que le cimetière occupait une partie de notre place Dufour actuelle, la rue y conduisant s’appelait Rue du Repos. Le cimetière, ayant été transféré, c’est à juste titre que cette dénomination prit fin pour prendre celle de Rue Louatron, le 14 août 1907, en hommage à un belmontais bienfaiteur des écoles et des œuvres sociales.
L’actuelle Rue de la Gare avait, avant 1907, trois tronçons : de la Rue de la Motte à la Rue St-Pierre c’était la rue du Faubourg de la Croix ou de la Croix Rouge et nous avons connu une croix en bois peinte en rouge sur le pignon faisant l’angle de la rue de St Pierre. De cette rue à la rue des Voves, c’était la rue du Faubourg des Loges, du nom du lieu-dit et enfin, le Chemin de Vivoin, étroit et peu fréquenté, car, à cette époque, on passait la Sarthe avec un bac à péage, le projet de « Pont en Fil de Fer » ne datant que de 1839 et le projet de gare de 1854. Lorsque celle-ci fut opérationnelle, vers 1857, ce Chemin de Vivoin prit le nom de rue la Gare, cette dénomination n’étant étendue aux trois tronçons qu’en 1907.
La Rue de la Courbe ne portait ce nom que dans la partie basse, le haut s’appelait Chemin des Acquets et se continuait par le Chemin toujours existant, dénommé, à tort, « la rue verte » et qui se poursuivait jusqu’auprès de la Sarthe, avant l’arrivée du Chemin de Fer.
Le mot « abreuvoir » nous a un peu compliqué la tâche car il en existait deux à Beaumont : un en bas de la Motte et l’autre près du moulin. Pour accéder au premier, il fallait que les animaux empruntent un grand fossé, rue du Faubourg des loges, que peu à peu ils élargirent, devenant en 1835 le « sentier » dit « de l’abreuvoir » puis en 1862 « la ruelle de l’abreuvoir de la Motte » et enfin en 1872 la Rue de l’Abreuvoir.
Pour se rendre à celui du Moulin, les animaux, surtout des chevaux, utilisaient la Grande Rue et la Rue du Moulin, ce qui causait des désagréments aux habitants. Aussi, lorsque le pont suspendu fut construit, il fut envisagé de créer un sentier pour descendre le long de la nouvelle grand route, mais ce fut l’origine de nombreuses discussions car il fallait exproprier des terrains et surtout construire un mur pour retenir les terres. Ce sentier de l’abreuvoir, prit en 1867, l’appellation de l’Abreuvoir du Moulin puis en 1911 celui de Chemin de la Grave pour devenir Rue de la Grave en 1990.
La Rue du Tertre Chaligné était à l’origine la Route de Beaumont à Assé puis en 1872 elle est désignée comme Chemin du Tertre du Moulin.
La Route Royale s’appela rue JEGOU en 1884 en l’honneur de l’ingénieur qui dirigea les travaux du Premier Pont suspendu, celui-ci s’était appelé Pont Mancel, nom du Préfet de l’époque.
Le Conseil Municipal, en 1889 ( le 7 mars ) constatant la largeur des voies venant du Mans et d’Alençon, décida de leur donner le titre d’Avenues avec leur provenance mais celle d’Alençon, sur proposition du Comité Cantonal de la Libération, rendit hommage, en 1945, aux libérateurs de notre Région, la Division Leclerc.
Deux dernières rues anciennes héritèrent d’un nouveau nom : depuis 1972, la rue de Paris, évoque maintenant le très grand peintre Georges Rouault qui a vécu et a peint dans notre cité durant la guerre et l’occupation,
La rue menant au Cimetière qui, avant qu’il n’y soit transféré, n’était qu’un Petit Chemin dit « Beuzeline » reliant la Grand Route à la Rue de St-Pierre, fut naturellement appelée « Rue du Cimetière », mais cette adresse n’étant pas motivante pour les candidats à y faire construire, elle évoque depuis 1985, le dernier duc de Beaumont, Henri de Navarre, qui devint le roi Henri IV.
Pour compléter cette évocation de la voirie ancienne, il nous reste à parler des Places. Pour celles incluses dans les fortifications, ce sera rapide car, à part, la place des Halles, il n’en existait qu’une petite, actuellement Place Bel Air, située alors en face de l’Hôtel du Grand Turc, et qui s’appelait Place de la Galerne du nom du Gué de la Sarthe près du Moulin.
En dehors de l’enceinte fortifiée, se trouvait une petite place, devant le couvent des clarisses, carrefour des Routes de Sillé, d’Alençon et de Vivoin, la Place des Religieuses, appelée Place de la Liberté pendant la Révolution. La démolition des bâtiments du monastère dégagea un espace, appelé, Place d’Armes, nom conservé lorsque ces deux places furent réunies. Là se déroulèrent les manifestations patriotiques et festives ainsi que les marchés et foires aux bestiaux. En 1921, on y construisit le monument aux morts et en octobre 1932, on lui donna le nom d’Alexandre Charles, ancien Maire. Enfin, le 15 septembre 1945, elle fut appelée Place de la Libération.
Les autres places, ainsi que les nouvelles rues, sont des réalisations des temps modernes : développement de la ville, des moyens de communication, besoins de stationnement, nécessité d’artères plus larges facilitant la circulation.
La Place DUFOUR était, depuis le XVème siècle, pour partie, le cimetière. Transféré le 18 mars 1843, il devint la Place Notre-Dame en 1853, du nom de la Chapelle Notre-Dame de Pitié qui s’y trouvait depuis 1640 et démolie en 1902. On l’appelait aussi Place de la Chapelle. Agrandie dès 1859 et jusqu’en 1967, elle avait depuis 1907, le nom d’un ancien conseiller municipal, bienfaiteur de la ville.
La Place du Docteur DROUIN, dont l’idée avait été évoquée dès 1868, réalisée sur l’emplacement du vieux presbytère et de bâtiments vétustes en 1933 -34 et 1985, porte le nom d’un ancien maire et conseiller général, nom donné en 1934.
Enfin, la Place Beausite, créée en 1968, a remplacé un ancien dépôt d’objets hétéroclites et évoque la beauté de la vallée de la Sarthe.
Les nouvelles rues :
- tantôt portent le nom du lieu-dit, ainsi de la rue des Promenades ( 1844 ), de l’avenue du Joncheray ( 1968 ), lieu plein de joncs, de l’avenue de Beaulieu ( 1968 ), de la rue du Pressoir ( 1976 ), ancienne exploitation, de la ruelle des jardins ( 1959 ), de la rue de l’Escargot, nom du ruisseau tout proche, des allées des ormes, des chênes, des frênes, arbres locaux, de la rue des Côtes, Côte et Côte blanche, de la rue de Falaize, rappelant l’ancien prieuré St Etienne de Falaize, tout proche de la rue du Levant, la plus à l’est, côté du soleil levant, de la rue de l’Ouche de Bert, nom ancien du terrain, de la rue du Bethun, nom d’exploitation, rappelant une couche très dure et imperméable du sous-sol, de la rue du Chaufournier ( ancienne rue aux chats ), nom d’une ancienne profession exercée en ce lieu.
- Tantôt sont le témoignage de notre reconnaissance, ainsi de la rue des Anciens d’Algérie, de la rue des Anciens Combattants, de l’Avenue Charles de Gaulle, libérateur de la France, de la rue du Major Fournier, gendarme de peloton autoroutier mort en service.
- Tantôt évoquent des personnalités ou lieux qui nous sont proches, ainsi de Saint-André, patron de la paroisse de Beaumont depuis de nombreux siècles ( cette liaison entre la place des Halles et la Place Dufour, envisagée dès 1857 ne fut réalisée qu’en 1975 ), de Marcel JOUSSE, natif de Beaumont, anthropologue mondialement connu, de Gaston TROCHERIE, Maire de Beaumont pendant 30 ans et Conseiller Général, de Burgh – le – Marsch, notre ville jumelle, et de St Paul, apôtre toujours associé à St Pierre.
Ce voyage dans notre cité nous permet une belle promenade dans notre histoire et en regardant les plaques de rues, notre esprit pourra vagabonder dans le temps.
Le Maire Honoraire,
Jean-Marie FOUSSARD.