La bataille de Beaumont : le 14 janvier 1871

Souvenons-nous : Le 2 septembre 1870, encerclé à Sedan, Napoléon III capitule. L’empire est déchu et la République proclamée deux jours plus tard. Nous venons d’en fêter le 150ème anniversaire, un évènement très important pour notre démocratie ! La guerre continue cependant. Ainsi, le 14 janvier 1871, a lieu la bataille de Beaumont.

Une anticipation de l’arrivée des Prussiens

Après la démission du maire Eugène-Noël Passe et de son premier adjoint, fin octobre 1870, le notaire Jules Dumans, deuxième conseiller, assure l’intérim par délégation. Le Conseil municipal reconnait “le gouvernement de la Défense Nationale comme régulièrement constitué jusqu’à la fin de la guerre”. Dès le début du mois de novembre, la ville s’organise. Elle prend des dispositions au cas où les Prussiens viendraient jusque dans la région. Une infirmerie est installée dans l’hospice situé rue de la gare ainsi qu’une ambulance à la maison d’école des garçons, rue de la Croix (rue St Pierre). Une garde nationale sédentaire, sur les instructions du Préfet de la Sarthe est créée et armée. Elle assure une garde permanente de la ville avec des patrouilles dans la campagne environnante.

Le repli vers Beaumont après la prise du Mans

Le 12 janvier, les Prussiens sont maîtres du plateau d’Auvours et la ville du Mans est prise : c’est une bataille décisive annonçant une capitulation proche. Le général Chanzy, commandant en chef des armées de la Loire, donne l’ordre de repli aux divers bataillons. Son projet est de se retirer vers les collines normandes puis de tenter de délivrer Paris. Mais les ordres du gouvernement lui prescrivent de se retirer vers la Mayenne.

Le froid est glacial, dépassant les -12° de nombreux jours consécutifs. Ainsi, le soir du 12 janvier, par des routes verglacées, à travers la campagne couverte de neige, ce qui reste de la Deuxième armée de la Loire, totalement épuisée, s’écoule, lentement en trois tronçons : l’un s’en allant vers Laval, un autre par Conlie et Sillé, le dernier se dirige vers Villaines-la-Juhel par Montbizot, Beaumont et Fresnay. L’ennemi est à sa poursuite, sans grande vigueur : les troupes prussiennes sont aussi très fatiguées, leur encadrement réduit.

Un revolver sur la tempe, il refuse de faire sauter le pont suspendu…

Début janvier 1871, le colonel Bournel qui commande les forces militaires de la région de Pré-en-Pail, prévoit l’arrivée des Prussiens à Beaumont. A la suite de la perte du Mans et pour freiner l’avance ennemie, il a ordre de faire sauter le pont suspendu. Bien que menacé par un révolver, M. Jules Dumans lutte de toutes ses forces pour empêcher l’exécution de ce projet. Les ouvriers, commandés par le colonel, font semblant de creuser quelques trous à proximité du pont, puis, sur les conseils du maire, ils cachent leurs outils et leurs mines.

Dessin de Charles Bodineau, directeur de l’école primaire – 1970

La bataille de Beaumont

Les Prussiens du Grand-Duc de Mecklenbourg arrivent à Beaumont, le samedi 14 janvier au matin. Le contact s’établit à la Croix-Verte avec les Gardes mobiles chargés de la défense de la ville. Un premier accrochage a lieu au sud de la rivière, à la suite duquel les Français doivent reculer pour se retrancher dans l’agglomération. Tandis qu’une colonne se dirige vers Orthon et une autre vers Beaurepaire, le gros de l’armée prussienne tente d’investir la ville. Mais ils ne s’engagent pas sur le pont suspendu qu’ils croient miné. Ils passent par le pont roman puis par la Grande Rue (rue Albert Maignan) qu’ils doivent sabler pour permettre à leur canon de monter sur le verglas.

S’engagent alors de violents combats. Les Gardes mobiles commandés par le capitaine adjudant Edmond Pichot font face aux assaillants… Agé de 37 ans, il est l’une des premières victimes de cette journée, tué d’un coup de feu, vers neuf heures et demie, dans la Grande Rue. La bataille fait rage jusqu’à ce que la ville soit complètement investie… I1 y a des prisonniers, mais aussi de nom­breux blessés qui sont transportés à l’infirmerie de l’hos­pice ou l’ambulance de l’école de garçons… De nombreux soldats y sont soignés. Plusieurs y décèdent par la suite : Pascal Cornu, Jean Mulot, François Lefeuvre, Prosper Rousseau, Louis Gontier, Marin Moutier, Joseph Saulnier, gardes mobiles de la Mayenne, Alexis Rossignol, Eu­gène Porte, gardes mobiles de l’Orne, Auguste Bellais, garde mobile de la Manche…, soldats des 56ème et 72ème régiments d’infanterie, zouaves… dont on retrouve les noms dans le registre des décès de notre commune.

Des exactions de toutes sortes sont commises : les Prussiens pillent et saccagent la mairie, brisent les vitres et les meubles, dispersent et brûlent les papiers dont le registre d’état-civil (une copie sera créée en avril). Les chaises ont particulièrement souffert et sont presque toutes hors service (compte-rendu conseil municipal du 20 mai pour leur remplacement).

Une rançon de 60 000 F et… huit conseillers municipaux pris en otage et menacés de mort

La ville de Beaumont doit payer cher ses actes de résistance et d’hostilité envers l’occupant. Outre les sévices que ne manquent pas de faire subir les Prus­siens à la population, la ville est le jour même “frappée par l’ennemi d’une énorme contribution en nature (estimée plus tard à 10 000F) qui doit être livrée le dimanche 15 janvier, à 6 heures du matin, sous les Halles”. Le même jour, la ville est aussi soumise à une contribution en argent de soixante mille francs, payable immédiatement sous peine de pillage de la ville et sous peine de mort de huit conseillers municipaux, enlevés à leur domicile et emmenés comme otages à Alençon. La somme est versée deux jours plus tard, le mardi 17 janvier, à la préfecture de l’Orne, au trésorier du Grand-Duc. Le lendemain, les otages sont remis en liberté.

Les Prussiens occupent partout le territoire conquis, maraudent et pillent. Commencent pour les Belmontais, cinquante jours de souffrance (14 janvier, 5 mars) due à l’occupation des troupes ennemies qui logent chez l’habitant. Chaque jour de nouvelles réquisitions de toute nature sont imposées, la nourriture doit être fournie à toutes les troupes.

Sur une population d’environ 2 000 habitants plus de 200 ouvriers sont sans travail et réduits à la mendicité. Beaucoup d’indigents se présentent à la porte de l’hospice pour quémander quelques nourritures. La vie quotidienne est très affectée.

Des lieux de mémoire que nous devons entretenir pour les générations futures :

Le 18 janvier, Guillaume 1er est proclamé empereur allemand dans la galerie des Glaces à Versailles. Après l’armistice militaire du 28 janvier, le traité de paix de Francfort du 10 mai va clore le conflit. Chacun s’engage sur son territoire respectif, à entretenir les tombes des soldats morts pendant cette guerre. Ainsi, à Beaumont et Maresché trouvons-nous deux lieux de mémoire de ce funeste conflit :

– A Beaumont, dans le cimetière, on a réuni les corps de 7 militaires allemands dans une sépulture commune. Seul 1’officier a été identifié : “Heinrich Freiherr von Heimrod , lieutenant im Inf, n.82, gefallen vor Beaumont den 14. Januar 1871”. Les dépouilles mortelles de 15 militaires français se trouvent dans le carré militaire, dans une concession perpétuelle.

– A Maresché, on dénombre vingt disparus: Au cimetière se trouve une concession perpétuelle consacrée à la sépulture de trois militaires français. Dans l’église, sur une plaque commémorative, figurent dix-huit noms auxquels s’ajoutent deux inconnus.

Ayons à l’esprit que cette guerre, bien souvent oubliée, sera le terreau des deux abominables conflits mondiaux qui vont suivre.

Gaby Lamberdière
Conseiller Municipal

Sources :
Registres de délibérations du conseil municipal pour les années 1870-1871 – Registres d’état civil des décès à Beaumont (1870 à 1873) – Archives municipales militaires 1870/1871 – série H IV – “Après la bataille du Mans, à Beaumont-sur-Sarthe, le 14 janvier 1871”. Marcel Huron (1971) – Enquête des élèves de CM2 de l’école primaire (janv. à juin 1970) pour le centenaire de la Guerre de 1870 impulsée par Charles Bodineau, directeur de l’école des garçons.
Pour poursuivre, consulter l’excellent site “Loire70.fr”